Un petit tour et puis s'en vont
On est pris d'hésitations. Filer en Bolivie depuis San Pedro ? Monter à cinq mille mètres avec notre combi seventies sur une piste cabossée, très loin de tout mécanicien et station service ? Sans GPS ni carte précise ? L'idée est alléchante mais la raison l'emporte. On finit par pencher pour un 4x4 accompagnés de deux anglais, un français, un vénézuélien et un conducteur bolivien. On reprend donc nos sacs à dos pour une ballade de quatre jours sur l'altiplano bolivien.
A 4500 mètres, au pied d'imposants volcans, les formalités boliviennes sont rapides : un sourire et un tampon. Nos camarades de 4x4 sont sympathiques, tous voyageurs aux long court, et on discute joyeusement sans se douter de ce qui nous attend : peut-être les plus beaux paysages depuis le début de nos voyages respectifs.
En 4x4, on file à un rythme qui nous est étranger dans un décor minéral fait de volcans et de lacs, mâchant consciencieusement les feuilles de cocas données par Willi, notre chauffeur. On traverse le désert de Dali dont les pierres volcaniques coulantes auraient inspiré l'artiste.
A moins que ce ne soit l'inverse et que Dali et d'autres peintres ne soient venus délicatement poser des touches de rose, de brun et d'argent dans le paysage. Leur palette de couleur se décline à l'infini et les lagunes sont dites "colorées", "bleues" ou "vertes".
Malgré l'altitude et la rigueur du climat, la nature n'est pas en reste et des touffes d'herbe et de mousse tapissent les bords des lacs. Des vigognes, légères et farouches, gambadent ici et là et les flamands roses ne semblent s'envoler que pour le plaisir des yeux.
Les discussions cessent et on se recueillerait presque devant la beauté des lieux.
Malheureusement il faut partir. La 4x4 va trop vite et les images nous échappent. C'est à pied qu'on aurait du venir pour avoir le temps d'immortaliser ces paysages dans nos esprits. Si seulement le thermomètre n'affichait pas vingt degrés en dessous de zéro la nuit et s'il ne fallait pas porter plusieurs semaines d'eau et de nourriture car l'eau des lagunes est trop riche en minéraux pour être buvable. On bénit la chaleur des couvertures en laine de lamas, le soir venu dans les refuges !
Trop rapidement donc, arrive l'étendue lisse et blanche du Salar d'Uyuni. Quoi de plus étrange que du sel de table à perte de vue ? C'est le lieu de tous les effets optiques. Des montagnes lointaines flottent dans le ciel comme dans un dessin animé japonais. Les perspectives se mélangent et on joue à qui prendra la photo la plus idiote (concours gagné haut-la-main par le couple d'anglais pour une photo que la pudeur nous empêche de décrire ici.)
Au milieu, une île semble prise dans la glace. Et si ce n'était pour les cactus millénaires qui l'habitent, on se croirait un instant sur la banquise du grand nord.
C'est déjà le retour et la 4x4 redémarre pour nous projeter au point de départ. En repassant à toute vitesse devant les trésors du sud bolivien, on rembobine la pellicule. C'est sûr, on la rejouera dans nos tête de nombreuses fois plus tard.